Eglise Saint-Pierre et Saint-Romain

L’église Saint-Pierre et Saint-Romain de Savennières, classée Monument historique depuis 1840, est très tôt remarquée pour sa nef du haut Moyen-Âge, avec un appareil mixte très bien conservé, qui attire l’admiration du visiteur et la perplexité des spécialistes. Le premier texte qui la mentionne est le Cartulaire du Ronceray (l040-1050), mais il y a des interrogations sur l’existence d’un sanctuaire plus ancien.

La restauration générale de l'église Saint-Pierre-et-Saint-Romain de Savennières (2019-2021) a été l’occasion pour des fouilles archéologiques approfondies. La datation en laboratoire a mobilisé plusieurs techniques. Elles ont permis d'affiner et de dater de façon précise l'origine de sa construction et les différentes étapes de ses agrandissements successifs. Lors de la cérémonie officielle le 22 juin 2024 organisée au cœur du village, Marie-Pierre Niguès, architecte du patrimoine et Arnaud Remy, archéologue, ont présenté les études, travaux et résultats, en présence de nombreux habitants, élus et visiteurs.

Jusqu'alors datées du Xe siècle ap. J.-C. par les archéologues, les datations récentes (2022-2023) attestent de l'origine mérovingienne de la nef construite au Ve siècle. La combinaison des résultats obtenus date la construction de la nef entre 372 et 575, avec une probabilité importante sur la seconde moitié du Ve siècle, soit près d’un demi-millénaire plus tôt que l’âge admis jusqu’à présent. L’intégration des analyses sur les briques oriente sur une datation centrée sur 427 ap. J.-C.

 

Cette datation très précoce fait de la nef de Saint-Pierre un témoignage de la première génération d’églises, dans un exceptionnel état de conservation. La plupart des édifices remontant à cette époque ne nous sont connus que par des fondations ; une crypte ou par des vestiges d’élévation très remaniés. La décoration, très sommaire, joue, à l’extérieur seulement, de la variété des matériaux. Elle présente un appareillage très bien conservé, faîte de roches de différentes couleurs organisées en couches horizontales et de briques rouges, et de briques rangées en opus spicatum (en arêtes de poisson). L’appareil mixte des maçonneries frappe d’emblée le visiteur par un jeu de formes et de couleurs créé par un petit appareil en roches locales à dominante sombre, les quatre larges bandeaux de briques posées en épi qui ceignent l’édifice et qui contrastent avec la clarté du mortier des joints et du tuffeau employé pour l’encadrement des baies. Cet ensemble en fait une église du Ve-VIe siècle en exceptionnel état de conservation. La nef est assurément la plus ancienne partie conservée en élévation. Si les façades sud et ouest peuvent encore être admirées dans leur quasi-intégralité, les murs des autres côtés ne sont visibles que dans les combles :

La nef primitive se reconnaît par la disposition particulière des briques rangées en « arêtes de poisson » et l’appareillage de sa maçonnerie faite de petits moellons presque noirs et de briques rouges. Ces maçonneries se distinguent aisément, par le changement de mise en œuvre des matériaux. Elle était probablement à l’image de la « basilique romaine » avec un toit plat couvert de tuiles, l’utilisation courante de l’ardoise ne remontant qu’au XIe siècle. La décoration était très sommaire, jouant, à l’extérieur seulement, de la variété des matériaux.

La seule entrée était alors sur le côté sud de l’église, car le cimetière occupait le côté ouest. Le portail de cette entrée date du milieu du XIIe siècle et constitue un très bel exemple de l’art roman avec ses deux arcs en plein cintre superposés et sa corniche soulignée d’une frise richement décorée, elle-même supportée par dix modillons sculptés dont la signification fait l’objet de maintes interprétations. Le porche ouest, sur la place actuelle de la Mairie, sera réalisé plus tardivement mais en respectant parfaitement la façade ancienne

Le sanctuaire de l’église du haut Moyen Âge fut prolongé par des aménagements romans au milieu de XIIe siècle par un chœur, terminé par une abside éclairée par cinq fenêtres, le tout voûté en berceau appareillé. Les deux baies extrêmes de l’abside, agrandies au XVIIe siècle, ont été restituées au XIXe siècle dans leurs dimensions d’origine. Les chapiteaux des baies nord et sud de l’abside ont été refaits lors de ces travaux. Ceux qui surmontent les doubles colonnes marquant l’entrée de l’abside, ceux des fenêtres des deux travées du chœur architectural, ainsi que ceux de la baie axiale, sont restés authentiques.

Pour une raison inconnue, l’angle sud-est de la nef a été abattu sur les trois quarts de sa hauteur ainsi qu’un tiers du mur gouttereau sud. Le mur a été reconstruit dans les mêmes proportions en schiste et tuffeau avec une chaîne d’angle en moyen appareil, doté d’une grande baie géminée, et renforcé par un contrefort à sa jonction avec la maçonnerie ancienne. La mise en œuvre et le style de la baie suggèrent une datation assez tardive, vers le XIIIe ou XIVe siècle. Ces travaux sont en tout cas antérieurs aux premiers aménagements connus à l’emplacement du clocher. L’examen du mur nord du clocher, débarrassé du plâtre qu'il l’enduisait depuis 1847, taille du chevet roman, avec une baie et un départ de voûte en berceau. Ces vestiges correspondent à une section de la première travée romane. La baie est bouchée par un contrefort, antérieur à la construction de l’absidiole actuelle du clocher, qui semble avoir répondu à une poussée imprévue.

Du XIIe siècle date également la construction du chevet, extension est de l’église. Il est une des plus belles parties extérieures de l’église, en particulier sa corniche à feuillage filiforme et palmettes supportée, de même qu’au portail sud, par des petits modillons sculptés à têtes humaines ou grotesques. La construction du clocher aurait précédé celle du chevet. C’est une puissante tour carrée de 6×6 m et de16 m de haut. Elle est surmontée d’une flèche particulièrement fine et élancée portant au faîtage une croix et un coq à plus de 33 m au-dessus du sol. Le clocher possède quatre cloches dont la plus grosse pèse 673 kg. Elles ont été installées au milieu du XIXe siècle en remplacement des anciennes qui avaient été fondues pendant la révolution. Elles ont été électrifiées en 1969.

Au XVe siècle, avec le transfert du cimetière sur l’actuelle place du Mail, l’église connaîtra à nouveau deux transformations importantes : une nouvelle surélévation du toit et la construction d’une seconde nef au nord de la principale, entraînant du même coup la prolongation du transept avec la réalisation d’une grande baie de style gothique flamboyant.

La partie occidentale de cette travée, intégrant un grand arc brisé à double rouleau, appartient à une campagne de construction plus tardive. Majoritairement construite en moellons, elle était initialement encadrée de deux colonnes (celle du côté oriental a été bûchée). La reprise dont témoigne cette arcade nous renseigne aussi sur les transformations du sanctuaire autour du XIIIe siècle.

La réfection des couvertures, avec des travaux sur la charpente a eu lieu entre 1367 et 1372. Pendant ce temps – ou après si l’on considère que la nef nouvellement couverte pouvait servir seule aux offices – ont eu lieu les démolitions nécessaires dans la première travée. Ainsi peut-on trouver des réemplois romans dans la surélévation des murs gouttereaux de cette travée et dans les pignons maçonnés de la nef. La nouvelle charpente de la première travée a été posée en dernier, contre le pignon oriental de la nef tout juste achevé. L’enduit de mortier extérieur, antérieur à la mise en place de ces charpentes, a été rénové à l’issue de ces travaux pour harmoniser le pignon oriental – et probablement aussi l’occidental. L’appareil décoratif à bandeaux de briques est donc resté masqué, au XIVe comme au XIIe siècle.

Dans les années 1485, d’importants investissements transforment l’église. Avec la création de trois grandes ouvertures dans le mur nord de la nef, aussitôt soutenues par des arcs bâtis en sous-œuvre. L’arc triomphal vers le chœur est également élargi, ainsi que le mur gouttereau nord de la première travée du chœur, le tout sans déstabiliser les charpentes. Les matériaux récupérés sont immédiatement remis en œuvre dans la construction d’un bas-côté aboutissant à une vaste chapelle nord. La dendrochronologie a permis de préciser l’abattage des bois de la charpente du bas-côté nord à l’année 1487, comme pour la chapelle nord. Deux indices montrent que cette extension vers le nord ne se fait pas dans un terrain dégagé de contraintes : un vestige de fondation perpendiculaire au bas-côté, arasé par sa construction, témoigne de la proximité de constructions – enclos ou bâtiment – dans ce secteur avant la fin du XVe siècle ; le pan coupé sous encorbellement à l’angle de la chapelle nord indique quant à lui la nécessité de ménager un passage près d’un obstacle qui demeure après la construction, potentiellement un état antérieur du presbytère. La porte nord qui y mène n’a pas été modifiée jusqu’à sa condamnation à la fin des années 1770.

Les XVIe et XVIIe siècles n’ont pas laissé de vestiges architecturaux significatifs. La restauration des chapiteaux de l’abside concerne toute l’arcature, et ceux des quatre baies latérales, le fond de l'abside ayant vraisemblablement été occulté par un grand retable maçonné à l’image de celui dont des fragments – attribuables au XVIIe siècle – a servi au bouchage de la porte nord peu après 1776. Au XVIIIe siècle, trois campagnes de travaux importantes transforment encore l’église : en 1728, la sacristie est construite dans l’angle entre le chevet et la chapelle nord. Les sources signalent la pose de la première pierre le 7 juin ; les arbres pour la charpente ont été coupés au cours de l’hiver précédent. A cette même époque avaient été aussi construits des « ballets » en charpente devant les deux entrées. Ils servaient d’auvents pour abriter les paroissiens de la pluie ou du soleil avant d’entrer dans l’église. Ils furent démolis à la fin du XIXe siècle pour faciliter la circulation qui se développait rapidement.En 1746 le porche sud, préexistant depuis une date inconnue, est refait à neuf et un ouvrage équivalent est ajouté à la façade occidentale. Puis en 1779, dans le cadre de réparations faites au chœur et au clocher et d’un réaménagement du mobilier, mais sans mention précise dans les sources, la couverture de l’abside fut refaite dans la continuité de celle de la première travée. La couverture remplacée devait présenter trois volumes de toitures, celle de la première travée refaite au XIVe siècle, celle de la deuxième travée, probablement plus basse, et de l’autre-côté d’un pignon débordant, la couverture de l’abside. Les restaurations de 1842-45 sur la nef, de 1848-50 sur le chœur, de 1910-13 sur les rondelis et les soubassements, leur reprise en 1928, 1984 ont pu être précisément localisées.

Quelques précisions sur l'intérieur de l'église :

A l’intérieur, la nef primitive est un rectangle de 8,90 m de large et 14,9 m de long. Elle s’ouvre sur la nef du bas-côté nord par trois arcs en ogive reposant sur des piliers par l’intermédiaire de chapiteaux à décoration florale d’acanthe avec mascarons. Dans le bas-côté et le bras nord du transept, les pièces de charpente sont apparentes et ornées de nombreux motifs profanes ou « engoulants ». Le bras droit du transept est occupé par la salle basse du clocher qui était à l’origine une chapelle largement ouverte par un arc roman sur le chœur de l’église. Cette absidiole permettait la manœuvre des cloches. Dans l’allée centrale on remarquera trois dalles en ardoise, aux inscriptions effacées et une autre sur la gauche où l’on a pu déchiffrer : « Ici repose le corps de Dame Anne Poulain de la Forestrie décédée le 5 octobre 1721.

L’abside, de pur style roman, est la partie la plus remarquable de l’édifice, tant par la justesse de ses proportions que par la subtile lumière qu’elle filtre. La voûte, dite « en cul de four » est plongée dans une semi-obscurité qui incite au recueillement. Elle est fermée par une arcature à cinq travées supportée par des colonnes, chaque arcade étant percée d’une fenêtre étroite. L’ensemble laisse filtrer au niveau des yeux une lumière particulièrement subtile. Les vitraux sont du XIXe siècle.

S’agissant du mobilier, on notera l’autel en marbre blanc, peut-être un ancien tombeau, qui a remplacé en 1849 le précédent, maintenant placé derrière, et qui est un bel ensemble sculpté en bois doré. Dans l’aile nord du transept un grand retable en pierre de style gothique, assez récent, servant de fond à l’autel de la vierge, elle-même entourée de Saint-Pierre, Saint-François d’Assise, Saint-Paul et Saint-Maurille. Sur un pilier séparant les deux nefs, un curieux bas-relief en bois peint du XVIIIe siècle représente le martyr de Saint-Blaise. On verra également une statue polychrome de Saint-Romain patron de la paroisse, une statue de la vierge à l’enfant et un grand Christ en croix suspendu à la ferme de la nef principale.

Trois bénitiers sont à remarquer : les fonds baptismaux (1734), un bénitier en marbre noir du XVIIe ou XVIIIe siècle et celui de la porte sud en granit, très ancien et curieusement encastré dans le mur.

Enfin quelques peintures : à droite en entrant dans l’église, un curieux tableau romantique d’adolescent en méditation devant les instruments de la Passion. Puis une Assomption de la Vierge. A gauche Saint-Maurille ressuscitant Saint-René enfant (1742). Également dans la nef nord un Saint Jérôme et un Saint-François.

 

Anecdote sur le tableau Saint-Jérôme :

Certains s’en souviennent peut-être, d’autres l’ont découvert récemment : un tableau représentant Saint-Jérôme trônait dans l’église de Savennières Saint-Pierre-et-Saint-Romain. Ce tableau estimé entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle, non signé, a été volé dans la nuit du 30 au 31 janvier 2010. Après douze ans, il vient d’être retrouvé en Italie grâce aux opérations des carabiniers de l’Unité de protection du patrimoine culturel de Venise.
Au moment du vol et du dépôt de plainte, des photos de l’œuvre avaient été fournies par les services du département de la Conservation des Antiquités et Objets d’art. L’église étant classée monument historique depuis 1840, le tableau était ainsi protégé et classé. Il apparaissait dans un inventaire de 1982 le décrivant ainsi : « tableau ovale représentant un Saint-Jérôme, huile sur toile, bois doré, du XVII
e siècle ». Il s’agissait sans doute d'un tableau de dévotion destiné à un oratoire ou une chapelle privée. Étant donné le relatif petit format de l’œuvre, 90 cm sur 70 cm, il semble peu probable qu’il s’agisse d’une commande d’Église.

Le tableau représente un Saint-Jérôme en ermite, portant la barbe et à demi nu, se frappant la poitrine avec une pierre, ayant un crucifix sur ses genoux.

Les éléments fournis au moment de la plainte ont permis d’identifier le tableau retrouvé dans une galerie d’art à Padoue, en Italie, à la suite de sa mise en vente sur internet. Les enquêteurs italiens n’en savent pas beaucoup plus sur les circonstances de ce délit. Mais le procédé du vol, le fait que ce Saint-Jérôme soit le seul tableau dérobé ce jour-là, laisse penser que des repérages avaient eu lieu dans la journée, et que ce tableau était bien la cible unique. Bien que n’ayant pas de réelle estimation de sa valeur financière, il s’agit d’un très beau tableau considéré de belle facture dans sa réalisation. Le cadre ovale en bois doré d’origine a disparu, la toile a été détachée du cadre, entoilée et incrustée dans un tableau rectangulaire, d’où son format actuel différent des photos enregistrées. L’œuvre ayant eu une première restauration, il y a une trentaine d’années plus une pendant sa disparition, il a été suggéré par le conservateur du Patrimoine du Maine-et-Loire, Étienne Vacquet, de ne pas procéder à de nouvelles modifications. 

Il ne retrouvera donc pas sa forme ovale et aura un cadre adapté à son nouveau format. Les côtés orangés du tableau correspondent à la manipulation faite par les faussaires pour le rendre plus anodin. Mais cela n’a pas fonctionné, heureusement pour nous !

Une cérémonie officielle à Venise

En juillet 2021, l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) a alerté la commune : le tableau a été retrouvé. En septembre 2021, l’organisme a invité le maire de Savennières, Jérémy Girault, ainsi qu’un élu de l’époque du vol du tableau, Jean-Louis Cochan, à se rendre à Venise afin de procéder à sa restitution en mains propres. Une cérémonie officielle au Palais des Doges à Venise a été organisée le lundi 16 mai 2022 en présence des autorités italiennes, des représentants des carabiniers, du conservateur Étienne Vacquet et des représentants de la commune de Savennières.

Les autorités italiennes, particulièrement accueillantes, étaient très fières et heureuses de ce dénouement peu classique dans le monde de l’art et d’avoir pu prouver l’efficacité des relations internationales des services judiciaires de nos deux pays.

Le conservateur Étienne Vacquet, qui a accompagné Jérémy Girault et Jean-Louis Cochan tout au long de ce parcours de restitution, a organisé le retour sécurisé du tableau par une société suisse, de Venise à Savennières. Un coffret a été spécialement fabriqué aux mesures du tableau. Celui-ci est enfin arrivé à Savennières le jeudi 19 mai, en présence de journalistes, de paroissiens et de Saponarien(ne)s.

Cet extraordinaire parcours a fait l’objet d’un reportage assuré par France 2, pour suivre ce tableau de Venise à Savennières et diffusé samedi 21 mai sur leur antenne au journal de 13 heures.

Pour Jérémy Girault, ce fut un moment plein d’émotions entre l’annonce en juillet 2021 de la découverte du tableau en Italie par le biais d’un mail d’Interpol et le retour de l’œuvre dans l’église Saint-Pierre-et-Saint-Romain ce jeudi 19 mai 2022 : « À la fois impressionnant, symbolique et émouvant d’aller chercher et rapporter une pièce de valeur du patrimoine français. »

Le tableau a retrouvé sa place dans l'église en 2024.

Quant à l’origine du tableau, un mystère encore à élucider. Des recherches sont en cours afin de connaître un peu mieux l’origine de l’œuvre. Nous avons dix-sept châteaux à Savennières ainsi que de nombreuses anciennes et belles demeures. Peut-être avez-vous dans vos greniers ou caves des documents d’archives personnelles concernant le patrimoine de la commune et son histoire. Peut-être même l’histoire détaillée de ce tableau, de ses origines et de son accrochage dans l’église. N’hésitez pas à partager avec nous ces informations si elles existent, afin de transmettre un peu plus de l’histoire de notre patrimoine local…

 

Un rapport très détaillé sur les analyses menant à une nouvelle datation de l'église peut être consulté en mairie